En faisant cet article littérature mercredi dernier ( Parlons bouquins #3 : La grand-mère de Jade ... ), je me suis souvenue qu'un passage au tout début de ma lecture m'avait énormément interpellé.
Mais lisez plutôt et vous comprendrez :
" Ma jolie Denise a fait refaire son nez. Elle a tourné la tête pour fuir mon regard quand je m'en suis étonnée. Elle ne pensait pas que je le verrais ! Comment la fabrication d'un nez par un chirurgien aurait-elle pu abuser une mère auteur de l'original ? Moi qui ai si souvent passé mes doigts sur cet appendice qui lui donnait un profil de statue égyptienne. Je n'ai rien dit, mais elle a perdu cette grâce qui émanait de la gêne qu'elle en avait, une sorte de timidité adolescente qui s'est dissoute dans son assurance d'être enfin débarrassée d'un handicap.
Pourquoi changer de visage ? Avant il me semble qu'on était né jolie fille ou joli garçon ou encore gentil ou courageux ... Quand la vaillance prenait le pas sur la beauté, elle racontait dans le discours des voisines les imperfections du visage ou du corps. Mais au fond on acceptait assez bien son sort. Laid ou beau, jeune ou vieux, on pouvait rire, être là sans déranger. "
Oui. J'ai été sous le charme de ces quelques lignes car elles ont résonné en moi d'une façon bien particulière, comme une petite voix qui disait " alors, qui c'est qui avait raison ? ".
Quand j'ai eu 15-16 ans, j'ai vraiment eu envie de faire disparaître la bosse de mon nez qui me donnait un air de sorcière sur les photos sur lesquelles j'étais de profil. Et qu'est-ce que je ne m'aimais pas sous cet angle-là ! Je ne supportais pas cette image que je renvoyais aux autres alors que moi je ne la ressentais qu'en m'apercevant sur certaines photos, mon reflet dans la glace gommant, comme par effet d'optique, cette petite surenchère osseuse. J'ai vraiment eu beaucoup de mal à assumer cette particularité que je dois apparemment à mon arrière grand-mère paternelle et je rêvais au nez grec parfait de certaines de mes copines.Ma cousine m'avait ouvert la porte des possibles en m'avouant quelques années plus tard s'être fait refaire le sien et être très heureuse du résultat. Et puis j'ai commencé à regarder des émissions de TV sur les ratés de ces opérations purement esthétiques et la douleur qu'elles procuraient et avant même de m'être renseignée sur un prix ou d'en avoir pipé 3 mots à mes parents, j'ai laissé cette idée dans un recoin de ma tête.
Encore aujourd'hui je suis souvent surprise de découvrir ce profil différent quand je me retrouve sur certaines photos. Car cette bosse, en temps normal, je ne la vois jamais. J'ai donc l'impression qu'elle n'existe pas et que mon visage ressemble à ce que je vois dans la glace.
Mon papa m'avait déjà dit que ça donnait un certain "charme", cette imperfection de mon profil, mais je n'y croyais pas vraiment, acceptant ces mots paternels comme une caresse sur mon "infirmité". Et ces phrases en début d'histoire m'ont alors fait beaucoup du bien. Comme si elles confirmaient l'impression de bagage génétique et familial que ce nez particulier me donnait et qu'il fallait que j'accepte, comme tout le reste, faisant partie de moi.