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15 août 2013 4 15 /08 /août /2013 22:55

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Elle a peut-être cinquante ans. Son visage est marqué, de fines rides encadrent ses yeux, ses cheveux châtains sont teints en blond cendré, elle avance à tâtons mais jamais à reculons dans la vie.

Son rire se transforme systématiquement en quinte de toux, héritage des cigarettes qu’elle fume par paquets tout au long de la journée. Elle a cet air un peu sauvage, un peu sage, aussi. Malgré le grain de folie de ses propos, les jolis mots fusent et témoignent d’une certaine aisance verbale, d’une jolie culture.

Elle a de quoi m’étonner, et je ne me lasse pas de l’observer. Elle a ce côté très maternel qui m’attire tout de suite, une tendance à embellir les échanges du quotidien par de jolis surnoms. Ma beauté. Mon chat. Mon amour. Ma toute belle.

Cette chaleur qu’elle donne me fait du bien, ses attentions toutes simples me caressent de leur douceur maternelle qui me fait actuellement défaut. Comme si elle le sentait. Comme si elle savait.

Rien que le diminutif de son prénom pourrait la résumer tout entière. Béa. Un cocktail molotov de bonne humeur avec des éclats de douceur. Une partie d’un grand tout, une carapace qui peine à contenir un trop plein d’amour.

«Je suis sûre qu’elle boit aussi, ça se voit, ça se sent, elle le porte sur son visage.» Ces mots prononcés par une autre de mes collègues me font du mal. Peut-être parce que moi je suis incapable de savoir ces choses-là. Peut-être parce que ce genre de «secret» lui appartient et ne me regarde en rien. Et que d’entendre d’autres le supposer me la salissent un peu, l’abîment d’un préjugé de plus, la plombent d’un boulet supplémentaire accroché à ses fines chevilles.

Elle porte des converses blanches. Basses. Avec les coutures et le logo de la marque rouges. Elle me dit que c’est la seule couleur de converse qu’elle peut porter, que l’image de la marque selon elle c’est cette non couleur symbole de pureté avec son fin liseré rouge. Et je la comprends. Même si les miennes sont beiges.

Elle a trois filles et un petit fils qu’elle aime à la folie. Je connais tous leurs prénoms, leurs habitudes, leurs galères et leurs bonheurs, leur vie passée au filtre de son amour maternel. Elle dit d’ailleurs qu’elle veut m’adopter. Qu’elle avait toujours voulu avoir quatre filles et que j’ai le même âge que sa dernière. Moi je l’écoute et je ris. Beaucoup.

Elle se lance corps et âme dans ses projets, son boulot, ses enfants et l’amitié qu’elle offre facilement aux personnes qui lui semblent la mériter. Car «dans la vie il y a autant de belles personnes que de vilaines. Il faut juste faire le tri. Un tri sélectif géant bénéfique pour avancer dans la vie, bien entourée des bonnes personnes. Celles qui nous soutiennent, nous aiment, nous comprennent, nous apprennent quelque chose, nous font du bien tout simplement.»

Et Béa me fait du bien. Comme il paraît que je lui en fais en retour. Je ne pensais pas aux effets secondaires que pouvait engendrer l’envoi d’un tout petit SMS, écrit dans la quiétude d’une fin de soirée et d’un début de nuit, happée par la magie de quelques lignes tirées du roman que je lisais : «Elle était aussi énergique, aussi intolérante et sage, aussi gentille et brusque que toujours.Les années l’avaient caramélisée, comme une pomme d’amour.» J’ai trouvé que cette définition lui convenait tout à fait et je n’ai pas pu m’empêcher de lui envoyer. Car c’est important de dire aux personnes qui comptent pour vous que vous pensez à elles.

Mais j’ai du mal à recevoir autant d’une personne qui m’était encore inconnue il y a de ça quelques semaines. Je me méfie, je me protège. Je me dis que mon CDD se termine dans moins d’un mois, qu’alors je quitterai Paris pour revenir à ma petite vie Niçoise, bien occupée par ma dernière année d’études. Et que cette belle relation de travail restera ce qu’elle est, une jolie parenthèse dans mon apprentissage de la vie. J’ai peur qu’elle s’attache trop à moi. J’ai surtout peur de la décevoir. Comme je déçois ma propre mère. A avoir autant de tendresse en soi et à recevoir tout ce que veulent bien me confier les autres me rend très fragile, je me perds dans les désirs des autres en oubliant les miens.

Je suis à une période de ma vie où je ne sais pas bien où j’en suis et où je vais. Mais contrairement aux apparences ça ne me déplaît pas finalement. L’horizon des possibles s’ouvre enfin, cette période de la vie que j’attendais avec tant d’impatience étant enfant est enfin arrivée, je vole (presque) de mes propres ailes.


L’amour c’est vraiment pas évident. Alors je continue d’apprendre en vivant, voyageant, travaillant et en rencontrant de nouvelles personnes.

Et Béa fait partie de mes belles rencontres de l’été. Avec un petit truc en plus, ce besoin d’amour ou simplement d’une oreille prête à écouter ses confidences, cette façon qu’elle a d’affronter la vie qui semble lui présenter, en retour, que des obstacles.

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commentaires

P
Oh merci Roxane :)
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R
C'est très beau :) Tu m'as émue de bon matin :)<br /> Bisous
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P
Merci la puce
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L
Magnifique :')
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